Arthur Teboul, 36 ans, chante avec la voix cassée, écrit de la poésie et les concerts de son groupe Feu! Chatterton remplissent les salles. Le 21 février, jour de la panthéonisation des Manouchian, c’est lui que l’Elysée a choisi pour interpréter, devant le cercueil des anciens résistants des Francs-tireurs et partisans de la main-d’œuvre immigrée, L’Affiche rouge, le poème d’Aragon mis en musique par Léo Ferré. Il a publié fin mars son deuxième recueil de poésie, L’Adresse (Seghers, 384 pages, 26 euros). Il est actuellement en tournée pour une trentaine de concerts en France.
Je ne serais pas arrivé là si…
… Si je ne m’étais pas assis le jour de la rentrée, en classe de 1re scientifique au lycée Louis-le-Grand à Paris, à côté de Sébastien Wolf, aujourd’hui guitariste et compositeur de Feu! Chatterton. Et si je n’avais pas rencontré dans la foulée son ami Clément Doumic, l’autre compositeur guitariste du groupe.
Il m’arrive souvent, lorsque je me retrouve sur une grosse scène comme l’Olympia ou le Zénith, de me dire que, sur le papier, ce n’était pas gagné d’avance. Mais il y a eu cette rencontre, en 2008, et cette amitié m’a donné la confiance qui me manquait, elle m’a permis de m’épanouir dans un désir profond et immense.
Est-ce l’amitié qui vous a conduit à la musique ou est-ce la musique qui a suscité votre amitié ?
L’amitié a préexisté. Je n’avais jamais joué d’un instrument de musique et, à l’époque, je ne chantais pas du tout. Ce n’est ni un don ni un savoir cultivé dans l’enfance. Lorsque je chantais sous la douche, ma famille me demandait de me taire ! J’ai toujours eu des kystes sur les cordes vocales. D’ailleurs, j’aurais pu dire je ne serais pas arrivé là si ma mère ne m’avait pas légué ses kystes [il rit]. J’ai la voix cassée et rocailleuse, je suis asthmatique… Bref, même si au fond de moi c’est ce que j’ai toujours voulu faire, je ne l’aurais jamais osé si je ne les avais pas croisés.
Première scientifique à Louis-le-Grand, vous étiez donc tous les trois de bons élèves au cœur d’un des grands lycées parisiens…
Jusque-là, j’avais suivi le collège dans une ZEP [zone d’éducation prioritaire] du 20e arrondissement. Je n’avais jamais entendu parler de Louis-le-Grand, mais j’étais bon élève. Avant la fin de ma 3e, une voisine de la résidence dans le 20e où habitent mes parents nous avait parlé de sa fille qui était dans ce lycée et y était très heureuse. J’avais donc posé ma candidature et j’y ai été admis en 2de.
Le problème est que je suis passé de premier de la classe en 3e dans ma ZEP à dernier en 2de à Louis-le-Grand et c’était dur à vivre, douloureux même pour quelqu’un comme moi qui aimait l’école mais s’apercevait de ses lacunes. Je me sentais très en retard, avec beaucoup de choses à rattraper. Je mettais dix heures à faire une dissertation de français, les devoirs de physique étaient un calvaire, et je vivais dans la terreur du redoublement. J’avais l’impression d’être un enfant qui va à l’université…
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