La tension est montée d’un cran ces derniers jours à Tbilissi, où les opposants à la loi sur l’« influence étrangère » ont subi des menaces et parfois même des passages à tabac dans ce qui ressemble à une tentative coordonnée de faire taire les voix de la contestation. Concocté par le Rêve géorgien, le parti au pouvoir depuis douze ans, le texte de loi, en voie d’adoption, a provoqué la colère d’une large partie de la population, la jeunesse surtout, qui l’estime contraire aux aspirations européennes du pays. Critiqué également par les Occidentaux, il est inspiré d’une loi utilisée depuis des années par le Kremlin pour réprimer les voix dissidentes en Russie.
Depuis le 6 mai, des dizaines de journalistes, d’opposants, de représentants de la société civile ont reçu des appels téléphoniques lourds de menaces, leur promettant « des ennuis » s’ils continuaient à s’opposer à la loi. Dans la plupart des cas, les familles élargies des personnes concernées ont également reçu des menaces. Certains ont vu des tags ou des affiches les qualifiant de « traîtres », d’« ennemis de la nation » ou de « copain des pédérastes » apparaître à leurs domiciles ou à leurs bureaux. Vendredi, la journaliste d’investigation géorgienne Nino Zuriashvili a retrouvé sa voiture bombée à la peinture rouge avec écrit en grosses lettres sur la carrosserie : « Cette voiture appartient à un agent vendu contre de l’argent. »
L’association des jeunes avocats géorgiens s’est inquiétée de ces dérives, évoquant une violation du traitement des données personnelles, laquelle implique certainement, selon elle, l’utilisation de données confiées à des agences de l’Etat.
Un avant-goût
Encore plus inquiétant, des opposants ont été tabassés ces derniers jours par des inconnus. Jeudi, Boris Kurua, militant du parti d’opposition Girchi, a été attaqué par un groupe de nervis non loin de son domicile, une agression qui lui a causé de nombreuses blessures au visage et à la tête. La veille, des inconnus s’en étaient pris à Dimitri Chikovani, responsable de la communication du Mouvement national uni, le principal parti d’opposition, tandis que Lasha Ghvinianidze, organisateur d’une manifestation, et Gia Japaridze, professeur à l’université de Géorgie et frère de Zurab Japaridze, fondateur du parti Girchi, ont également été passés à tabac ce jour-là.
Le même jour, Outcha Abashidze, un blogueur auteur d’un manuel indiquant comment se comporter en cas de violences lors d’une manifestation, a été arrêté après une perquisition à son domicile, durant laquelle il a été privé de l’assistance d’un avocat. La nouvelle s’est répandue comme une traînée de poudre dans la capitale géorgienne. Plusieurs centaines de jeunes se sont réunis dans la cour de son immeuble, conspuant les policiers alors qu’ils quittaient l’immeuble, les bras chargés du matériel électronique du blogueur, soupçonné de détenir des armes à feu à son domicile.
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