ARTE – SAMEDI 25 MAI À 22 H 25 ET 23 H 20 – DOCUMENTAIRE
« Dis-moi ce que tu mangeais, je te dirai qui tu étais. » Ce pourrait être la maxime directrice du documentaire en deux parties Dans les cuisines de la préhistoire, de Charles-Antoine de Rouvre. Faut-il préciser que la réponse affine considérablement l’image primaire de l’homme préhistorique se baladant avec un gigot sanguinolent sur l’épaule ?
Car le propos scientifique et fouillé du film rend compte des progrès considérables faits depuis une vingtaine d’années par les chercheurs dans les domaines de l’alimentation à une époque comprise entre − 90 000 et − 42 000 ans. Notamment en « fouillant leurs poubelles », comme l’explique une archéozoologue travaillant, en Ardèche, sur l’un des sites visités dans ce cadre.
S’il fallait résumer par une autre formule la seconde partie du documentaire, sous-titrée Sapiens, l’agriculteur, on pourrait dire : au néolithique, tout se gâte. L’alimentation est beaucoup moins diversifiée qu’auparavant, et quelque 180 maladies font leur apparition avec l’agriculture et l’élevage (transmission à l’homme de virus des bêtes sauvages et domestiquées, présence de rongeurs…).
Grande variété d’aliments
Les cueilleurs-chasseurs néandertaliens étaient des athlètes souvent de haute stature qui se nourrissaient de manière très variée, consommant localement, selon les ressources, une alimentation d’origine non carnée à 50 % (végétaux, poissons et fruits de mer) – chose que l’on ignorait encore il y a une vingtaine d’années, est-il rappelé.
Avec l’arrivée de la vie sédentaire, aux activités moins intenses et plus répétitives, les statures diminuent et les carences augmentent. On retrouve sur les os des femmes qui travaillaient des marques de lésions aux chevilles et aux genoux, « ce qui permet d’en déduire les postures », précise le médecin et anthropologue Alain Froment, l’un des nombreux intervenants de ce documentaire.
Parmi les choses qui se gâtent alors, les dents : sur les fragments maxillaires retrouvés, les chercheurs prélèvent le tartre qui s’est déposé sur les dents de nos ancêtres, à partir duquel les technologies avancées permettent de déduire une partie des aliments consommés. Si nos ancêtres lointains avaient d’étonnantes connaissances médicinales, ils n’avaient pas encore découvert le dentifrice au fluor…
L’ensemble est d’une grande richesse et d’un niveau parfois exigeant (surtout la seconde partie, qui étend le sujet aux liens entre l’évolution des langues et celle de la mâchoire mastiquante). Mais on se réjouit que la chaîne de la culture et du savoir qu’est Arte continue de proposer des réflexions aussi poussées, dans le domaine anthropologique notamment.
Dans les cuisines de la préhistoire, documentaire de Charles-Antoine de Rouvre (Fr., 2023, 2 x 52 min). Disponible à la demande sur Arte.tv jusqu’au 24 juillet.