« Vous faites attention, c’est notre bébé. Il va certainement pleurer. Je vous laisse son doudou… » Voilà le type d’avertissements qu’entend Laetitia Lacote, 46 ans, à l’heure de la séparation. En bonne éducatrice, elle sait rassurer les parents et faire en sorte que la transition se passe en douceur. Toutefois, contrairement aux apparences, l’ancienne contrôleuse aérienne à l’aéroport Bâle-Mulhouse (Haut-Rhin) ne s’est pas reconvertie dans la garde d’enfants, mais dans celle d’un petit être bien plus poilu : un bichon maltais.
En octobre 2023, après plusieurs formations en éducation et soins canins, la quadragénaire a ouvert une microcrèche pour chiens en plein centre-ville de Strasbourg. Chez PatchGuard, les maîtres peuvent faire garder leurs quadrupèdes quelques heures pendant qu’ils partent visiter un musée, faire des courses ou s’entraîner à la salle de sport. « Il y a encore beaucoup d’endroits qui n’acceptent pas les animaux. Or, certains maîtres ne veulent pas laisser leurs chiens tout seuls, même pour une courte période, explique la fondatrice. D’autres les emmènent ici pour qu’ils socialisent avec leurs congénères. »
Des petits casiers, où chacun dépose sa laisse, un canapé confortable pour la détente, une alternance de temps calme, de séance de mastication avec friandises, de jeux et de promenades à l’extérieur : on se croirait (à quelques différences près) dans un jardin d’enfants. Moyennant 8 euros de l’heure (les tarifs sont dégressifs pour une demi-journée ou une journée entière), Myrta sera occupée et choyée jusqu’à l’heure des « parents ».
Poussette pour chien
Garderie, nounous, cadeaux d’anniversaire ou de Noël, comptes Instagram diffusant les exploits du petit dernier de la portée, rendez-vous chez le véto au moindre tressaillement d’oreilles… et si le chien était devenu le nouvel enfant ?
La tendance est certes encore balbutiante en France. Loin des excès d’anthropomorphisme comme en Corée du Sud, où les poussettes pour chien sont désormais plus nombreuses dans les grandes villes que celles pour les bébés – selon les données de Gmarket, l’un des principaux sites de commerce en ligne du pays –, ou des élucubrations de l’ultralibéral président argentin, Javier Milei, qui a cloné quatre ou cinq fois (les versions divergent) feu Conan, son mastiff anglais de plus de 100 kilos, avec lequel il affirme « dialoguer » grâce à une médium.
Mais les signes d’évolution ne trompent pas. Deux récents succès littéraires témoignent de ce changement. Imprimé à 4 500 exemplaires à sa sortie, épuisé en quelques jours, Son odeur après la pluie (Stock), de Cédric Sapin-Defour, 47 ans, professeur de sport et alpiniste, a été le phénomène littéraire de la fin 2023. Du jamais-vu pour un livre traitant du deuil d’un animal. Réimprimé des dizaines de fois, vendu à près de 200 000 exemplaires, le livre raconte les treize ans de « vie commune » de l’auteur avec Ubac, son bouvier bernois, puis sa reconstruction à la mort de ce dernier, en 2016.
Il vous reste 72.52% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.
