SÉLECTION OFFICIELLE – EN COMPÉTITION
Acteur dans une trentaine de films, dramaturge, réalisateur de plusieurs courts-métrages primés dans les grands festivals, le Roumain Emanuel Parvu, 45 ans, se retrouve à Cannes en compétition pour son troisième long-métrage, Trois kilomètres jusqu’à la fin du monde, film solaire, délicat et néanmoins assombri par une sale histoire. A l’origine : une agression se produisant dès le début du film, que le cinéaste soustrait à notre regard mais dont l’empreinte s’expose ensuite, durant toute sa durée, à travers le visage tuméfié de la victime.
Tout commence pourtant par un baiser échangé dans l’obscurité, entre deux jeunes garçons, à la sortie d’une boîte de nuit. Une promesse, l’envie de se revoir, puis le jour se lève, laissant apparaître en pleine lumière Adi, 17 ans (Ciprian Chiujdea), dont les traits se devinent à peine sous le sang et les ecchymoses. Œil fermé, nez gonflé, corps meurtri, l’adolescent explique à ses parents qu’il a été battu par des individus, au retour de sa petite virée nocturne. Il ne s’étend pas, mais père et mère s’affolent, exigent une enquête et que justice soit faite.
Dans ce petit village de pêcheurs lové dans le delta du Danube, accessible uniquement en bateau, l’affaire devrait être vite résolue. Au poste de police, on suspecte une agression pour vol, les soupçons visent les fils d’un notable du coin. A mesure que les faits semblent s’éclaircir, une ombre en même temps se forme, pas belle (selon la communauté) à révéler, qui va désormais accaparer tout le film.
Brutalité hors champ
Abattu par l’agression de son fils, le père (Bogdan Dumitrache) l’est dorénavant par ce qu’il vient d’apprendre des circonstances dans lesquelles elle s’est produite. Adi ne s’est pas fait tabasser pour sa carte bancaire ni son portable, mais parce qu’il a été surpris en train de flirter avec un garçon. Le fait rebat les cartes, impose à chacun la même mission : le tenir secret. Ce à quoi tous s’emploient avec zèle. Le chef de la police (Valeriu Andriuta) en essayant de régler les choses à l’amiable, les parents en enfermant leur fils dans sa chambre, le prêtre en pratiquant sur Adi (bâillonné) une séance d’exorcisme.
Sur le papier, tous ces éléments scénaristiques évoquent une violence que le film s’évertue à adoucir par la grâce des lieux. Nature sauvage à la végétation tremblante sous le vent, lumière transparente d’un plein été, maisons blanches aux volets bleus : tout, dans Trois kilomètres jusqu’à la fin du monde, respire le calme et la douceur. Un écrin prisé aux beaux jours par les touristes où l’on ne circule qu’à pied, où la vie semble immobile. A 3 kilomètres de là, la terre cède la place à la mer, au large, un ailleurs auquel le jeune Adi aspire, contre le souhait de son père.
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