C’est une nouvelle alerte sur les difficultés d’accès aux soins. Mais celle-ci se double d’une charge, étayée, contre le manque de lisibilité et d’évaluation des politiques, qui, en un peu plus de vingt ans, ont été consacrées au sujet : ainsi peut-on lire le rapport que la Cour des comptes a diffusé, lundi 13 mai, sur l’organisation des soins dits « de premier recours ». Ces termes désignent l’accès aux médecins généralistes, aux spécialistes en « accès direct » (comme les gynécologues et les ophtalmos), mais aussi aux infirmiers, kinésithérapeutes, pharmaciens, psychologues et orthophonistes. Un sujet « au cœur des préoccupations des citoyens », a tenu à rappeler, devant la presse, le premier président de la Cour, Pierre Moscovici.
Des mesures « dispersées », « fragmentaires », « peu coordonnées », « peu ciblées », pas (ou peu) évaluées, voire, pour certaines, pas évaluables du tout : sur une centaine de pages, la Cour des comptes livre un diagnostic sévère du traitement politique d’un sujet pourtant érigé en « priorité ».
Le constat est connu : les déserts médicaux s’étendent et les déséquilibres entre la demande et l’offre de soins s’aggravent, en France comme dans d’autres pays comparables. Sur ce chapitre, déjà largement documenté, le rapport signale quelques données éclairantes tirées de l’observation des territoires en tension. Ainsi, dans les Ardennes, le taux de patients sans médecin traitant représente jusqu’au quart des patients – soit deux fois plus que la moyenne. Et le taux de passages aux urgences « sans gravité particulière » peut atteindre 40 %. Dans l’Aveyron, en Nouvelle-Calédonie, l’« ampleur des carences » de l’offre de soins, dans plusieurs bassins de vie, est soulignée.
Une mise en œuvre « sans cohérence d’ensemble »
Au-delà du tableau d’ensemble, la plus-value du travail réalisé tient dans l’historique des plans, mesures et actions de tous ordres qui, décennie après décennie, se sont succédé. Sans toujours bénéficier aux territoires qui en ont le plus besoin, estiment les rapporteurs, et pour des résultats difficiles à appréhender. « L’organisation des soins de premier recours n’a pas encore été structurée comme une politique publique, regrette-t-on rue de Cambon. L’absence de suivi statistique et le défaut d’indicateurs d’impact ne permettent pas d’en mesurer les conséquences. »
Fin des années 1990 : l’accent est mis sur le rôle de « pivot » des médecins généralistes, « référents » puis « traitants ». Divers « pactes » et « plans » doivent, alors, venir renforcer les aides à l’installation dans les zones mal ou peu dotées. Années 2010 : la priorité est donnée au déploiement de structures de soins dits coordonnés, maisons de santé pluri-professionnelles, centres médicaux polyvalents… 2009, 2016, 2019 : loi après loi, le principe d’une responsabilité publique dans l’organisation des soins de premier recours est posé, et une dynamique nationale s’esquisse, gravée dans le marbre de la « stratégie 2017-2022 ». Mais la mise en œuvre concrète « s’est révélée instable et peu intelligible », sans « cohérence d’ensemble ».
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