La très calme académie de Paris, petite par les effectifs de scolarisation et de personnels, présente la quadruple particularité d’avoir un territoire minuscule et complètement urbain, de compter davantage d’étudiants que d’élèves – majoritairement issus de familles relativement ou très aisées –, de leur offrir un environnement de culture et de services sans équivalent, et d’installer son recteur dans un rôle de dignitaire de l’Etat.
La Seine-Saint-Denis attenante est un département de l’énorme académie de Créteil. Sa population largement issue de l’immigration vit en majorité pauvrement dans des barres d’immeuble, avec peu d’infrastructures culturelles ou de services ; et sa jeunesse, plus nombreuse que celle de la capitale, n’a guère que l’école pour regarder l’avenir.
Or, les établissements scolaires de Seine-Saint-Denis, seuls au front de l’émancipation sociale, sont les points de cristallisation de toutes les tensions qui traversent en permanence une société locale défavorisée et fermée. Malgré leur engagement, leur créativité pédagogique, des initiatives culturelles remarquables, l’implication autour d’eux de nombreux parents, ils peinent à intégrer dans l’exercice de leur mission éducative tous les paramètres de la réussite des élèves. La fatigue chronique des personnels y est propice à la colère quand le sentiment d’injustice vient s’ajouter aux difficultés du quotidien.
« Améliorer la réussite des enfants »
Lorsqu’une crise scolaire se durcit et dure en Seine-Saint-Denis, il n’est pas rare qu’au mépris de l’orthodoxie administrative la Rue de Grenelle s’en empare et la gère directement. Ce fut le cas en 1997-1998, lorsque Claude Allègre et Ségolène Royal, depuis peu installés à la tête de l’éducation nationale, m’avaient chargé d’une « mission d’étude et de proposition pour le court terme et le moyen terme » en vue « d’améliorer la réussite des enfants en Seine-Saint-Denis ». Le rapport rendu, le ministre tint une conférence de presse pour annoncer des mesures immédiates, et, de guerre lasse, les enseignements reprirent.
Des épisodes comparables s’étaient produits auparavant ; d’autres sont intervenus depuis, en témoigne le mouvement qui traverse actuellement le département. Ils confirment qu’un plan d’urgence ne peut être qu’un cataplasme. Aussi avais-je assorti mon rapport d’une lettre d’accompagnement pour faire une proposition ultra-petita : « L’intégration de la Seine-Saint-Denis à l’académie de Paris. » Une telle restructuration, écrivais-je, « changerait considérablement la relation à l’école des enfants, enseignants et parents du département le plus défavorisé de la couronne parisienne ; en gestion, elle assurerait naturellement, sans coup férir, un transfert de moyens rapide et efficace depuis le département le plus favorisé de France ».
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